Bien avant que Marion Brando ne tombe sous son charme, l' atoll de Tetiaroa, seule île basse des Îles sous le Vent, comptant 600 hectares de sable blanc, était au centre de nombreux échanges et représentait déjà, à l' époque pré-européenne, un lieu d' évasion et de villégiature pour l' élite tahitienne mais aussi une base de ressources exploitée pour le compte de la famille royale d'abord, puis celui des chefs d' Arue, commune actuelle de Papeete. Des recherches archéologiques récentes, effectuées depuis 2015, ont permis de mieux documenter l' occupation humaine de l' atoll.
Parmi les premières ressources convoitées, on trouve les tortues qui ont, de tout temps, fréquenté les plages de l' atoll pour y pondre leurs oeufs. On trouve aussi certaines espèces d'oiseaux dont les plumes rares et colorées étaient utilisées pour la confection des lourdes parures de tête et vestimentaires des grands chefs. Enfin, les récits historiques mentionnent la richesse du lagon et des tombants du récif en poissons et langoustes et laissent supposer que des parties de pêche étaient fréquemment organisées au départ de Tahiti vers les eaux de Tetiaroa.
L' île, alors même qu' elle était directement rattachée au district d' Arue, ne pouvait qu' attirer l' attention de la famille royale et de sa cour qui la plaça sous contrôle des familles régnantes, en en faisant une île-satellite d' importance. On peut imaginer les pirogues faisant sans cesse l' aller-retour entre Tahiti et Tetiaroa, transportant fruits, légumes et poissons en abondance.
Fouilles en cours en 2017.
Carte des structures inventoriées sur la plantation Williams de Rimatu'u.
Mur ouest après déplacement et restauration Lors des trois campagnes de fouilles menées sur l’atoll, les scientifiques mettront à jour plus d’une centaine de structures, dont une plateforme d’archers, mais aussi des cours ouvertes, des enclos, des fosses de cultures ou des ' marae ' plus élaborés : une diversité dans l' architecture cérémonielle qui atteste d’une présence très prégnante des élites de Tahiti, par ailleurs documentée par les traditions orales. Curieusement, ce sont des Paumotu qui habitaient l’atoll et exploitaient ses ressources pour le compte notamment de la famille régnante des Pomare, plus ou moins sous contrôle de représentants des chefferies de Arue, elles-mêmes dépendantes de la famille royale. Intégré au domaine royal de Te Porionu’u au 18e siècle, l’atoll serait alors devenu un lieu de villégiature privilégié.
Les fouilles ont permis de trouver en abondance de l' outillage, en particulier des lames d' herminette, des pierres de four, des éléments d'architecture et autres vestiges lithiques.
La composition de plusieurs artefacts indique des provenances plus lointaines telles les îles Tonga, les îles Fidji et la Nouvelle-Zélande, îles - sources participant à une intense activité économique et politique.
Le docteur Walter Williams racheta l' atoll au prince Hinoi, grand chef d' Arue en 1904. Il reste des vestiges de l' exploitation de coprah qu' il avait alors montée au centre de l' atoll dont l' étude est en cours et devrait permettre de trouver de précieuses informations sur les circuits commerciaux et la vie quotidienne pendant la période coloniale au tout début du 20ème siècle. UN PEU D HISTOIRE RECENTE En 1962, le film Mutiny on the Bounty, réalisé par Lewis Milestone, est à l’affiche du grand écran. Après le tournage, Marlon Brando rachète l’atoll, berceau de sa romance avec Tarita, aux héritiers du Dr Williams en 1965. Il y fait construire une piste d’aviation et un hôtel sur le motu Onetahi. L' endroit est d'une beauté unique, Brando s' y attache et, désireux de préserver les ressources naturelles et culturelles de l’atoll, il finance en parallèle un projet de recherches archéologiques confié à deux chercheurs du Bishop Museum de Hawaii. Suite au décès de l’acteur, SA Frangipani, propriétaire légal de l’atoll, décide de louer en 2005 deux ' motu ' au groupe Pacific Beachcomber afin d' y construire un hôtel, la condition étant que ledit groupe prendra en charge également la rénovation aux normes de la petite piste d’atterrissage. Le projet menace de détruire trois monuments pré-européens situées sur le tracé d’extension de la piste.
C' est alors qu' est créée l’ONG Tetiaroa Society pour perpétuer les programmes de recherche initiés par Marlon Brando. Son but est d’intervenir le plus rapidement avant les bulldozers.
Avec le feu vert des nouveaux propriétaires, il est convenu “ de compléter l’étude de ces vestiges, de les démonter, et de les restaurer afin de pouvoir les sauvegarder ”, écrit Maurice Hardy, ingénieur au CNRS. “ Leur restauration à leur nouvel emplacement permettra aux visiteurs polynésiens et internationaux de prendre conscience que l’île à une longue histoire et leur donnera peut-être l’envie de mieux connaître la culture polynésienne au-delà des restitutions, parfois approximatives, offertes aux touristes.”
Ecologie Cinq-Étoiles à l' hôtel The Brando de Tetiaroa
Les performances exceptionnelles du SWAC ( à savoir le système de refroidissement et climatisation unique de l' ensemble de l' hôtel par prélèvement d' eau de mer à 100 mètres de profondeur sur le tombant du récif ) viennent d'être validées par des scientifiques à l' hôtel The Brando de Tetiaroa, le plus exclusif des complexe hôteliers haut de gamme de PF.
Le laboratoire Gepasud de l' UPF fait état d' un décalage énorme entre les performances énergétiques supérieures d' un SWAC et les systèmes de refroidissement traditionnels.
La demande de refroidissement dans le monde devrait être multipliée par trois d'ici 2050, le nombre de climatiseurs passant de 1,6 à 5,6 milliards d' unités selon l' AIE, agence internationale de l' énergie.
Et pourtant les études menées par l' AIE n' intègrent pas pour le moment la solution tahitienne comme quelque chose d' exploitable, même à titre expérimental. Vu de Tahiti, l’évolution est jugée assez inquiétante pour justifier le projet Copswac porté par le laboratoire de Géosciences du Pacifique Sud ( ou Gepasud) de l’UPF sur le SWAC de l’hôtel The Brando, à Tetiaroa.
Or, le contexte polynésien s’ y prête tout particulièrement. Territoire insulaire, il dispose des seules installations SWAC au monde qui fonctionnent en climat tropical et en configuration d'opération réelle : celui du Brando à Tetiaroa et celui du CHPF ( hôpital général ) du Taaone, aujourd’hui en chantier.
C'est l’occasion idéale de démontrer scientifiquement l’intérêt de cette technologie de rupture et pourquoi pas, de l' exporter à l' étranger. Car l' idée générale, c' est de satisfaire les besoins de confort des usagers en consommant le moins possible. Des capteurs ont été fixés dès février sur les pompes pour tester le fonctionnement de l' installation à la fois sur la boucle d'eau de mer prélevée dans l' océan et la boucle d'eau glacée distribuée dans le bâtiment central et dans les villas et bungalows. Et les premiers résultats sont tout à fait remarquables, en terme de performances énergétiques.
Si l' on fait le rapport entre le froid distribué et l' énergie électrique consommée, le coefficient de performance s' affiche à 100 alors que les valeurs d'un système conventionnel plafonnent à 10 ! Encore faut-il que la bathymétrie, à savoir la topographie des fonds marins s' y prête, car, plus le réseau de distribution est long, plus il consomme d'électricité et plus la performance globale a tendance à chuter rapidement.
Reste également à consolider ces résultats avec le retour imminent des touristes, les premières données ayant été collectées dans les conditions dégradées d’un hôtel fermé tournant au ralenti.
La raison principale pour laquelle cette énergie renouvelable est si peu répandue dans le monde réside dans le fait qu’elle nécessite des coûts d’investissement exorbitants. Il faut être sûr de son amortissement et de sa rentabilité à terme, avant de s’engager.
Le projet a pour but de contribuer au plan de transition énergétique dans une Polynésie trop dépendante des énergies fossiles et gourmande en air conditionné, comme c' est le cas dans tous les territoires insulaires tropicaux.
Entretien avec Bruno Chevallereau, responsable de projet chez Tahiti Beachcomber SA ( ou TBSA )
Aujourd’hui TBSA est convaincu de l’efficacité du SWAC ?
“Le premier Swac en service remonte à mars 2006, avant de mettre en place celui de Tetiaroa, qui était une évidence pour des raisons d’acheminement en énergie. Quand le projet s’est présenté, on était convaincu. Et après presque dix ans d’exploitation, c’était nécessaire.” A-t-il un impact important sur la facture d’électricité ?
“C’est incomparable. On divise par deux la facture mensuelle par rapport à nos confrères et on s’est même permis d’avoir un froid de confort bien plus important que ce qu’on ferait en temps normal comme climatiser une cuisine par exemple.” C’est pourquoi vous avez accueilli le projet de l’UPF à bras ouverts ?
“C’est extrêmement intéressant, ils vont nous permettre d’avoir des valeurs bien plus précises. Ce qu’on faisait était finalement assez empirique car on se contentait de mesurer les kilowatts injectés dans un bâtiment et les kilowatts froids qui en sortaient. On avait besoin de se faire confirmer par un scientifique des résultats tellement favorables qu’ils en étaient presque improbables.”
L’investissement dans un SWAC demeure-t-il cependant financièrement dissuasif ?
“Il y a quelques années, il fallait y croire. Il est clair que la mise en place d' une installation en partie sous-marine contribue à créer des difficultés et des défis techniques sans parler des coûts très élevés. Tout cela combiné constitue à ce jour le plus grand frein à la multiplication de ce type d’équipement.”