Hao, du temps du CEP, et donc jusqu' en 1996, année où les essais nucléaires souterrains ont cessé à Mururoa et Fangatofa, était la base arrière très animée de l' armée et de la marine françaises. Ces 20 dernières années, l' atoll a peu à peu retrouvé le calme des origines. Les baraquements militaires et autres bungalows ont été soit cédés à des habitants de l' île, soit détruits, le matériel et les véhicules militaires ont été embarqués sur des bateaux et l' île a été nettoyée méticuleusement.
Elle est facilement accessible à partir de Tahiti, souvent oubliée et mal aimée, mais méritant le déplacement d'autant que les pensions sont en nombre suffisant pour offrir un choix varié. La piste d'atterrissage est exceptionnellement longue, et a été construite dans le but de permettre à de gros avions-cargos d'atterrir en toute sécurité. Jacques Chirac y vint un jour récupérer les faux époux Turenge, pieds-nickelés du renseignement français et qui avaient raté l' opération pour laquelle ils avaient été infiltrés en Nouvelle-Zélande, à savoir la mise hors service du Rainbow Warrior dans le port d' Auckland. On ne va pas revenir sur cette malheureuse affaire, mais on notera que le président français était arrivé en Concorde pour repartir aussitôt vers la Nouvelle-Calédonie sans faire escale à Tahiti...
C 'est là que les époux Turenge restèrent quelques mois pour se refaire une virginité dans les services secrets en attendant d'être ex-filtrés discrètement vers la France.
Plus récemment les Chinois se sont intéressés à Hao, soit-disant pour y installer une ferme aquacole d'élevage de thons, plus surement pour disposer d'un port en eau profonde et de cette piste d'atterrissage unique en plein Pacifique ( et qui a déjà servi deux ou trois fois pour des atterrissages d'urgence d'avions de ligne ). Aux dernières nouvelles, l' interêt chinois a faibli pour l' élevage de thons; les Polynésiens ont aussi fini par voir l' arnaque et la France a plus ou moins mis son veto à tout mouillage de thoniers ( vrais ou faux ) chinois dans une zone qui reste stratégique militairement mais aussi économiquement, les eaux polynésiennes étant riches en poissons et donc convoitées par toutes les armadas de bateaux de pêche de Chine, mais aussi de Corée du Sud, des Philippines ou d'Indonésie.
On trouvera ci-après un entretien avec un couple de voileux belges ( et leurs quatre enfants ) qui ont décidé de se fixer pendant quelques mois au moins sur cet atoll où les bateaux ne font généralement escale que quelques jours, le temps de se ravitailler et de se reposer de la traversée du pacifique, à partir du canal de Panama le plus souvent.
Sofiène et Isabelle
Chaque année 50 à 100 voiliers font escale sur l'atoll, soit pour s'abriter du mauvais temps, soit pour effectuer du ravitaillement, quelques-uns tout de même y viennent pour y découvrir ses habitants et ses charmes. C'est le cas du Sea Croods et de ses cinq passagers qui livrent leurs impressions sur une destination qui sort des sentiers battus. Originaires de Belgique, Sofiène le capitaine et Isabelle ont quatre enfants : Lynn, Iliane, Naèl et Inés la plus grande qui est restée au pays afin de poursuivre ses études supérieures. Ils sont donc cinq à bord du Sea Croods, un catamaran de 15 mètres fabriqué dans un chantier naval de La Rochelle. Partis en septembre 2019 du port de Lorient en Bretagne, ils ont longé les côtes françaises vers le sud puis les côtes espagnole et portugaise, pour transiter par l'île de Madère, les Canaries, le Cap-Vert avant de traverser l'Océan Atlantique. Nouvelles escales à la Barbade, aux Grenadines puis le canal de Panama où ils sont restés un mois et demi pour cause d'avarie-moteur. C'est enfin la traversée de l'océan Pacifique puis l'arrivée dans l'archipel des Marquises sur l'île d'Hiva Oa en mars 2020 où ils sont astreints à un confinement strict de 10 jours sur leur catamaran en raison de l'épidémie de Covid-19.
S'ensuivent de multiples escales marquisiennes à Tahuata, Nuku Hiva, Ua Huka, Ua Pou puis l'archipel de la société et les Tuamotu, Fakarava, Rangiroa, Ahe, Tikehau, Makatea et enfin l'atoll de Hao en décembre 2020. Depuis cette date, Sofiène, Isabelle et leurs trois enfants sont toujours là. Malgré le grand nombre d'îles de Polynésie qu'ils ont déjà visitées, c'est à Hao, pourtant en marge des circuits touristiques habituels, qu'ils ont décidé de rester un peu plus longtemps pour prolonger le ' rêve polynésien '. Si cet atoll est victime d'une image peu flatteuse en raison de son passé nucléaire, rien n'a été entrepris pour casser cette image par les responsables politiques successifs à Tahiti mais également sur l' atoll lui-même.
Le tourisme n'y a jamais été développé ni même sérieusement envisagé. Sur le terrain, le ressenti est pourtant tout autre puisque l'atoll offre plus d'avantages que d'inconvénients, comme l'absence de grands hôtels qui lui confère un cachet authentique. Ce n'est pas la famille de navigateurs qui dira le contraire même si elle envisage tout de même de poursuivre son voyage avec un départ en avril à destination très certainement de l'archipel des Gambier.
Qu'est-ce qui a motivé votre venue à Hao ? "C'est grâce au bouche à oreille entre voileux. En fait, lors de notre escale à Tahiti, nous avons rencontré un couple qui était déjà venu et qui nous a dit d'aller à Hao, que c'est vraiment bien, que ce n'est pas renseigné dans les guides ni sur le Net, mais que c'est un atoll à voir". Qu'avez-vous ressenti à votre arrivée et quel accueil avez-vous reçu ? "La première chose qui nous a frappés lorsqu'on était au mouillage en face du quai du village, c'est le rire des enfants qui jouent et se baignent dans le lagon. Cette entrée en matière nous a donné envie d'aller vers les gens, de les connaître. Après, lorsque l'on se promène dans le village, les gens viennent vers nous, ils nous posent des questions. Nous n'avons jamais rencontré d'hostilité, tout cela fait qu'on se sent bien sur l'atoll, ça fait chaud au coeur, ça nous donne envie de rester un peu plus puis encore un plus." Pensez-vous que Hao devrait être plus reconnu touristiquement ? "Bien sûr ! L'atoll a un vrai potentiel, il y a des vols réguliers, des pensions de famille, des infrastructures en place comme des quais, des marinas. D'un point de vue voileux on encouragera les gens que l'on rencontre à venir ici, même si il y a encore des efforts à faire sur la sécurité des bateaux au mouillage car nous sommes très dépendants du vent". Et vos enfants, comment vivent-ils à Hao ? "Ils se sont tellement plus ici, qu'ils nous ont demandé d'aller à l'école, et grâce à la présence d'une école primaire et d'un collège, nous les avons inscrits. Ils se sentent très bien, ils se sont intégrés sans problème, ils ont plein de copains et copines, les programmes scolaires sont les mêmes qu'en métropole avec en plus l'apprentissage de la langue paumotu. En dehors des heures scolaires ils apprennent avec leurs nouveaux copains à pêcher, le nom des poissons, vider les poissons… l'enfance des petits Paumotu !" Que retiriez-vous comme enseignement de votre passage à Hao ? "On en retire une richesse incroyable. C'est la destination qui nous a le plus marqués depuis le début de notre voyage, car, lorsque que l'on fait un tour du monde, ce n'est pas simplement la navigation que l'on recherche, c'est aussi aller vers les gens et voir comment ils vivent. Ici on peut côtoyer la population de près, et si nous sommes restés plus de trois mois ici, ça représente plus de 10% de notre temps total de parcours, c'est que ça nous plait vraiment".
Quelque part aux Tuamotu...